S'Gleckhampfala

La fin de la moisson, d'Arnt, d'Arn, die Ernte, était souvent célébrée par des fêtes, mêlant festivités populaires et croyances religieuses.
Ainsi, dans certaines régions de France et d'Angleterre, une gerbe, d'Gàrwa, d'Gàrb, die Garbe, la dernière, plus grosse que les autres, était décorée de fleurs et de rubans, et ramenée à la ferme avec la dernière charretée.
En Espagne, on tressait des guirlandes d'épis, d'Ahra, die Ähre, que l'on conservait jusqu'au printemps.
Les grains, s'Karn, s'Karnla, das Kern, issus de ces gerbes et guirlandes étaient alors mélangés aux semences, d'r Sooma, die Saat.

En Alsace, le rite du «Gleckhampfala», «petit bouquet du bonheur», avait un caractère religieux très marqué.
Dans le Sundgau, par exemple, toute la famille se mettait à genoux autour de la dernière touffe de blé que les moissonneurs, les faucheurs, d'r Majer, der Erntearbeiter, n'avaient, intentionnellement, pas fauchée, et récitait des «Notre Père», «Vàter Unser». Puis, un enfant de la famille coupait ces trois, cinq, sept ou neuf (selon la coutume locale) épis en trois coups de faucille, d'Sechla, die Sichel, en invoquant la «Sainte Trinité», «Dreifàltigkeit». On les liait ensemble avec un lien de paille, s'Straü, das Stroh, et on emportait ce bouquet, «s'Gleckhampfala», à la maison. Il était alors placé dans la «Stuwa», derrière le crucifix dans le «Herrgottswenkel», le «coin de Dieu».
Dans certains villages, ce bouquet, après avoir été fleuri, était béni à l'église.
Il s'agissait ainsi de remercier le ciel pour l'abondance de la récolte. Ces épis étaient également censés protéger la maison et ses occupants.

Etant donné que, au moment des semailles, d'Sajet, die Saatzeit, de nombreux paysans frottaient quelques épis de ce bouquet et mêlaient les grains à la semence avant d'asperger le tout d'eau bénite, s'Wihwàsser, das Weihwasser, cette pratique peut également trouver sa place parmi les rituels ancestraux ayant pour but de garantir symboliquement la fécondité de la terre et la continuité des cycles agraires et ce, malgré l'interruption hivernale à venir.

BIBLIOGRAPHIE
- «L'Europe, mythes et traditions», ouvrage collectif sous la direction d'André AKOUN, Ed. Brepols 1990
- «Folklore et tradition en Alsace», ouvrage collectif, Ed. SAEP Colmar - Ingersheim 1973
- «Lexique des parlers sundgauviens» Christian BADER, Ed. du Rhin 1997

ILLUSTRATION
«S'Gleckhampfala» derrière le crucifix (Musée Sundgauvien à Altkirch), Photo Doris KASSER-FREYTAG  

Bernard Grunenwald