Notices de familles ( 1305 entrées )

De Reinach

Survivants d'une bataille meurtrière

Il n'est pas tout à fait exact de parler de lignée alsacienne dans le cas des barons de Reinach, tant il est vrai que leurs racines se situent, comme du reste celles de nombreuses familles de notre région, en Suisse. Le lignage, qui est cependant établi en Haute-Alsace depuis le début du XVe siècle, vivait initialement à Reinach en Argovie (différent du Reinach de Bâle Campagne), soit à 60 km au sud-est de Bâle et à 15 km au nord de Sempach où se joua en 1386, d'une façon cocasse, sa survie même... !

Dès 1210

Si l'on excepte les origines romaines mythiques que d'aucuns leur attribuaient jadis (dans une sorte de course à l'ancienneté, de nombreuses familles nobles prétendaient autrefois remonter jusqu'aux patriciens de la Rome antique, ce que l'on a depuis remis en question), nous trouvons de façon certaine les premières mentions des Reinach en l'an 1210 près du village qui leur donna leur nom : Hesso et Arnold von Rynach devaient alors gravir à cheval le sentier menant à l'Oberreinach, l'un des trois châteaux de la famille (XIIIe siècle), le seul encore subsistant et dominant le lac de Baldegg. Si la branche initiée par Hesso s'est éteinte en 1386, celle d'Arnold fleurit toujours à l'heure actuelle.

Que s'est-il donc passé en 1386 ? Le 9 juillet, à Sempach, se déroula un épisode capital pour l'histoire de la Suisse : s'affrontèrent alors les hommes fidèles aux Habsbourg, précisément à Léopold III, duc d'Autriche, et les Helvètes qui voulaient se libérer de la domination autrichienne et poursuivre la construction de la Confédération. Plusieurs Reinach, fidèles à l'Autriche, participèrent à cette célèbre bataille, comme le montrent leurs armoiries représentées sur l'un des murs intérieurs de la chapelle de Sempach qui fut édifiée à l'emplacement même où Léopold III trépassa.

Sauvé par ses orteils

Sur le terrain en pente où devait se dérouler l'affrontement, les chevaliers durent renoncer à leurs montures et s'avancer vers l'ennemi à pied. Alourdis par leurs armures et freinés par leurs solerets (souliers métalliques) dont les pointes inclinées vers le bas s'enfonçaient dans le sol, il ne leur restait qu'une chose à faire : en trancher l'extrémité pour ne plus être entravés. L'un d'entre eux, Hamann von Rinach, coupa les pointes trop court et se sectionna les orteils ! Sous les moqueries de ses compagnons lui conseillant d'aller se faire panser, le jeune Hamann rebroussa chemin tandis que plusieurs de ses proches tombèrent sur le champ de bataille. S'il perdit ce jour-là l'un ou l'autre orteil et un peu de sa fierté, il resta cependant en vie et, grâce à la postérité qu'il eut par la suite, évita à son noble lignage de s'éteindre !

Dans une autre branche, établie au château Trostburg près d'Aarau, Hans Rudolf von Rinach, un lointain cousin de Hamann, se maria vers 1400 dans le Sundgau, terre habsbourgeoise, avec Elsine von Mörsperg ou de Morimont. L'évêque de Bâle leur donna en fief le quart de la dîme de Gueberschwihr et de Hattstatt, soit les tout premiers biens des Reinach en Alsace, et ce dès 1423. Mais le couple retourna en Suisse et n'eut pour tout enfant qu'une unique fille, Margarethe, qui épousa Ulrich, le fils de Hamann, notre fameux rescapé de Sempach. Ulrich et Margarethe seront les ancêtres de tous les Reinach à venir : ils achèteront un bien à Thann en 1428 et s'installeront en 1436 dans le Sundgau.

Leur fils Jean Erard, qui aida notamment à la prise de la ville de Guebwiller en 1448 et à sa soumission à l'abbé de Murbach, fut une figure marquante de son époque. Il reçut des fiefs à Ungersheim en 1458, dans le Sundgau peu après et résida au château thannois de l'Engelbourg de 1474 à 1490.

De la neige sur les demeures des Reinach : la forteresse Oberrinach en Suisse dominant le lac de Baldegg et, en incrustation, le château de Hirtzbach. Photos et montages Denis Dubich.  

Si la branche de Heidwiller descendait de son frère, Jean Erard initia les branches de Jean-Henri, de Jean-Béat et de Melchior (tous morts entre 1635 et 1654) auxquelles l'archiduc d'Autriche décerna un diplôme de baron du Saint Empire en 1635. De ces trois frères, qui reçurent également des armoiries augmentées, sont issues les branches de Foussemagne, Munzingen et Hirtzbach, village où la famille s'installa fin XVIe et possède toujours un impressionnant château, un bien joli écrin pour l'une de nos rares familles d'extraction chevaleresque.

N.B. : une version plus longue et plus richement illustrée de cette notice figure dans le volume II de Nos vieilles familles de Denis Dubich. Elle se prolonge par un chapitre sur les familles alsaciennes décimées à Sempach en 1386 et un autre sur la « Schlachtkapelle » (chapelle de la bataille) édifiée à cet endroit. Pour découvrir ce livre, suivez ce lien.

Denis Dubich