Notices de familles ( 1305 entrées )

Armbruster - Armbroster - Armster - Armbrust

Depuis Guillaume Tell, arbalétriers de père en fils

Il n'est guère une ville de l'espace germanophone, petite ou grande, qui n'ait abrité au Moyen Âge une famille Armbruster. Certes, ce patronyme est moins fréquent que ceux qui désignaient alors un forgeron (Schmidt, Favre, etc.) ou un meunier (Müller, Winkelmüller, peut-être Steib, etc.), mais c'est un fait : dans toutes les villes où nous nous sommes mis en quête d'éléments historiques et généalogiques sur ce nom aujourd'hui plutôt rare en Haute-Alsace, nous l'avons trouvé.

Un Armbruster ou Armbroster, voire Armbrust ou Armbrost, Armprost, Armburst, Armbrüster et même Armster... était jadis un fabricant d'arbalètes ou celui qui les utilisait, c'est-à-dire un arbalétrier. Ce nom de métier, devenu nom de famille, vient du moyen-haut-allemand « armbrust », tout bonnement, qui est né au XIIe siècle dans le langage populaire à partir du moyen-latin « arbalista ».

L'arbalète, très utilisée au Moyen Âge, dut céder, aux XVe et XVIe siècles, sa place à l'arquebuse, une arme à feu bien plus pratique. Néanmoins, personne n'a oublié le célèbre Guillaume Tell qui visa sans la rater une pomme posée sur la tête de son fils : à Altdorf, dans le canton d'Uri, un monument de 1805 rappelle l'acte épique du héros sans doute seulement imaginaire de la Suisse en 1307.

C'est à peu près à cette époque-là (entre 1305 et 1340) que fut écrit le « Codex Manesse », une commande de la famille patricienne et zurichoise Manesse, qui célèbre l'amour courtois ou, en allemand, « Minnesang » (« Minne » signifiait amour). Plusieurs folios montrent des chevaliers armés d'une arbalète, soit pour séduire, comme Herr Rudin, la belle dame inabordable car d'un rang supérieur, soit pour s'adonner à la chasse, comme Kol von Nüssen : ces deux chevaliers de l'illustration ci-contre vivaient au XIIIe siècle.

Plusieurs folios du « Codex Manesse » (Zurich, XIVe siècle) représentent des chevaliers armés d'arbalètes.  

Dès le XIVe siècle

L'un des plus anciens porteurs du nom connus en Alsace, Richart Armbruster, vivait à Mulhouse où il est cité comme témoin sur un parchemin rédigé par le sous-prévôt de la ville Wetzel Sellin en 1398.

À Ensisheim vivait au milieu du XVe siècle Michael Armbroster : en 1444, son nom figure dans le registre des étudiants de l'université de Heidelberg. C'est sans doute lui qui exerça un peu plus tard dans la capitale de l'Autriche Antérieure la charge de « Landschreiber » (greffier, clerc). Les Archives municipales de Mulhouse conservent des missives rédigées par lui en 1468 et 1485. En 1480, c'est un Benedictus Armbroster, d'Ensisheim, sans doute un proche de Michael, peut-être même son fils, qui étudiait à Heidelberg.

Dans le Sundgau, nous avons retrouvé la mention, en 1467, d'un Peter Armbrester, d'Altkirch, inscrit à la toute récente université de Bâle, fondée en 1460.

Claus Armbroster faisait partie, en 1480, des conseillers de la ville de Soultz. La famille sera encore mentionnée au XVIe siècle. Non loin de là, à Ostein, village disparu entre Issenheim et Merxheim, habitait en 1559 un Hans Armbrost.

Des Armbruster vivaient également à Thann dès le XVe siècle. Les travaux d'André Rohmer permettent de savoir que Martin était en 1589 le bangard de la ville, suivi en 1673 et 1698 de deux autres porteurs du nom. Vers 1526, Morant et Petter Armbruster vivaient à Cernay, comme jusque là Ennli (Anne) Armbruster, dont hérita son veuf Diebolt Schnider.

À Colmar, dès 1431, les échevins comptaient dans leurs rangs Thoman Armbroster. Peut-être est-ce lui qui fit un don de 5 schillings à Saint-Martin en 1449 pour son salut, celui de son épouse et de leurs enfants ? Bien après encore, la ville connaîtra des membres de la famille : en 1577, par exemple, Anna, l'épouse de l'instituteur aveugle Kilian Armbruster, sera expulsée de Colmar pour mendicité. Non loin de là, à Horbourg-Wihr, nous trouvons dès 1569 la mention de Conradus Armbroster, le receveur de la seigneurie.

Des souches du nom ont émergé en 1654 à Eguisheim (famille dont est issu le pharmacien Alfred Armbruster, conseiller général du canton de Saint-Amarin, décédé en 1963) et en 1680 à Sainte-Croix-en-Plaine. Malheureusement, l'origine des deux lignées est inconnue à ce jour.

De nombreuses autres communes ont vu passer ce nom de famille dont, souvent, l'origine géographique n'est pas livrée. La fréquence du nom, en Suisse, en Allemagne ou en Autriche autorise toutes les hypothèses, mais en tout cas les Armbruster n'ont pas de doute à avoir sur la signification du patronyme qu'ils portent.

N.B. : une version plus longue et plus richement illustrée de cette notice figure dans le volume II de Nos vieilles familles de Denis Dubich. Elle se prolonge par un chapitre sur les vieilles familles d'Ensisheim. Pour découvrir ce livre, suivez ce lien.

Denis Dubich