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Steib

D'un Mathias à l'autre, une vieille lignée de notables

L'histoire de la famille Steib alsacienne (ou des familles Steib ?) commence avec certitude vers le milieu du XVIe siècle à Wihr-en-Plaine, village situé à l'est de Colmar et ayant fusionné en 1972 avec Horbourg : ainsi est née la commune de Horbourg-Wihr. Mais peut-être l'histoire des Steib alsaciens plonge-t-elle bien plus profondément que cela ses racines dans notre sol, des mentions d'un nom très proche pouvant déjà y être repérées au XVe siècle et même au XIVe.

Certes, rencontrer aussi précocement un nom très court et de surcroît relativement fréquent outre-Rhin, peut n'être qu'un hasard, mais ce qui intrigue dans le cas présent, c'est de trouver, au XVe, un Johannes Stoib à Colmar et un Petrus Stoib dans le Sundgau, précisément aux deux endroits où l'on connaîtra quelques décennies plus tard deux souches Steib, dont la connexion reste à établir. C'est en effet à l'université de Bâle qu'il est possible de repérer ces deux étudiants, en 1478 et 1482. Seraient-ils les ancêtres respectifs des actuels Steib du Ried et du Sundgau ?

Parmi les généreux donateurs à Saint-Martin de Colmar, nous trouvons un certain Mathias (déjà !) Stoïbe dont il est dit, en 1470, qu'il légua quatorze deniers pour la fondation de son anniversaire, ceux de son épouse Margarethe et de leurs enfants. Ce Mathias pourrait se confondre avec le Mathis Stoibe, dont il est dit en 1473 qu'il se rendit à cheval à Ribeauvillé, accompagné de plusieurs hommes importants.

Dès le XIVe siècle

C'est Michel Ittel, de Horbourg-Wihr, qui nous a rendu attentif à ce document d'autant plus intriguant qu'un porteur du nom en question apparaît déjà en 1313 : « Heinrich Stôbe, ein bvrger seshaft ze Rapolzwilre », donc un bourgeois de Ribeauvillé, vend alors au frère Wigeriche une rente assise sur sa maison et son jardin. En 1338, c'est un Jeckelin Stöube qui figure comme témoin sur un acte énonçant les dernières volontés de Jean et Anselme de Haut-Ribeaupierre.

Ces Stoib, Stoibe, Stoïbe ou Stöube sont-ils les ancêtres des actuels Steib ? Si l'on tient compte du fait que Wihr-en-Plaine faisait partie des possessions des Ribeaupierre, le passage de l'un ou l'autre de ces antiques Stoib de Ribeauvillé à Wihr, au XVe siècle, est plus qu'envisageable.

D'après certains historiens, cependant, les Steib alsaciens seraient d'origine allemande, arrivés à Wihr-en-Plaine à la suite d'une nomination au poste de prévôt par les Ducs de Wurtemberg. Selon une tradition familiale, ils seraient autrichiens. Ces hypothèses ne sont pas à rejeter, dans la mesure où le patronyme en question existe effectivement dans l'ensemble de l'espace germanophone. Cela en rend d'ailleurs incertaine la signification, variable selon le dialecte et la voyelle de départ. Si, pour certains, il renvoie au meunier, à celui qui fait tourbillonner la poussière (en alsacien « steiwa »), un autre étymologiste estime qu'il doit s'agir ici d'un homme aux gestes brusques, imprévisibles, là où un troisième auteur indique que l'ancêtre des Steib devait vivre près d'une « Steube », c'est-à-dire une chute d'eau bruyante. On voit donc que l'origine géographique de la famille et la signification à donner à son nom demeurent énigmatiques.

Houssen pillé en 1458

Non loin de Horbourg-Wihr, un Mathern Stoïbe vivait au milieu du XVe à Ostein. Son nom entra dans les annales car il décida « by Nacht und by Nebel » (de nuit et dans le brouillard) de participer au sac et au pillage de Houssen : accompagné de plusieurs comparses, Mathern Stoïbe s'en prit en 1458 à ce village proche de Colmar et fut arrêté. C'est grâce à une promesse de ne pas récidiver, ni de se venger après sa libération, que nous connaissons les détails de cette expédition punitive...

Ce n'est sans doute pas un hasard si, au milieu du siècle suivant, des Steib, Steyb ou Steub apparaissent à Wihr-en-Plaine : à partir de 1561, Jörg (Georges) et Mathias figurent dans les registres de cette paroisse réformée, l'un et l'autre comme pères de famille et comme prévôts successifs du lieu.

Mathias Steib, dont un vitrail de 1616 conservé au musée Unterlinden nous révèle l'altière silhouette, est l'ancêtre de tous les actuels porteur du nom dans le Ried. L'origine de la souche apparue à la fin du XVIIe siècle à Flaxlanden reste, quant à elle, mystérieuse.

À Horbourg-Wihr, la ferme que Mathias Steib fit construire pour son fils est toujours habitée par son descendant Jean Steib. Le vitrail de 1616 (Musée Unterlinden) montre Mathias, prévôt, et son épouse Richarde Schneider.  

À Wihr-en-Plaine, la famille a connu plusieurs personnalités (lire ci-dessous) et s'est unie à beaucoup d'autres lignées, parmi lesquelles on compte les Schneider (1575, d'Ebersheim), Kopp (1656), Klinger (1671, 1681), Umbdenstock (1692, 1708), Ittel (1685), Oberlin (1745, 1746), Betz (1768, 1782), Ritzenthaler (1779, 1781) et Baltzinger (1787).

Où que la famille ait pu vivre au XVe siècle, elle a un passé solide et honorable sur lequel ses membres peuvent s'appuyer pour aller de l'avant avec sérénité et confiance.

Personnalités familiales

D'un Mathias à l'autre, disions-nous ! Eh bien, après ceux des XVe et XVIe siècles, c'est un Mathias Steib de plus qui entra dans l'Histoire fin XVIIIe : né en 1747 de Jean Steib, laboureur, et de Catherine Steib, il épousa en 1767 Marie-Madeleine... Steib. Mathias occupa à Wihr-en-Plaine les fonctions de maire et d'échevin avant d'être élu député de la Convention après le 10 août 1793. Il se distingua dans l'innovation agricole et créa une école d'arboriculture à Colmar. Ce proche de Félix Desportes fut décoré de la croix de la Légion d'Honneur par Napoléon et mourut en 1821.

Charles Steib (1871-1946) fut lui aussi exploitant agricole et maire de Wihr-en-Plaine. Marié avec Jeanne Oberlin, il s'investit sans compter dans le monde agricole et en devint une personnalité de premier ordre reçue en 1923 par le président Raymond Poincaré lui-même ! Lui aussi fut fait Chevalier de la Légion d'Honneur, en 1932.

Son petit-fils Jean Steib, né en 1932, s'est distingué comme syndicaliste, dirigeant agricole et homme politique. Flanqué de prestigieux diplômes supérieurs acquis en France et à l'étranger, il a épousé en 1961 Christiane Klinger d'Andolsheim et présidé de 1962 à 1965 le Centre Départemental des Jeunes Agriculteurs (CDJA) avant de devenir le président de la Chambre Régionale d'Agriculture du Haut-Rhin et d'embrasser de nombreuses autres responsabilités encore. S'il n'est pas possible de les énumérer ici, il est de notre point de vue indispensable de noter que Jean Steib réside dans la maison que le prévôt Mathias Steib fit ériger pour son fils. Et la tradition se perpétue, puisque le fils de Jean, Jean-Daniel, poursuit actuellement l'exploitation de cette ferme familiale quatre fois centenaire.

Finissons notre exposé par Édouard Steib, un jeune membre de la famille vivant à Fortschwihr, champion d'Alsace de canoë kayak. Une famille où, décidément, les talents foisonnent !

Denis Dubich

N.B. : une version plus longue et plus richement illustrée de cette notice figure dans le volume II de Nos vieilles familles de Denis Dubich. Elle se prolonge par un chapitre sur les anciennes familles d'Horbourg-Wihr. Pour découvrir ce livre, suivez ce lien.