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Spannagel - Spanagel

Les Spannagel et les familles de Katzenthal

Voici une nouvelle fois un patronyme solidement planté dans le vignoble alsacien, et ce depuis le tout début du XVIe siècle, voire le XVe, un patronyme non seulement localisé à proximité des pieds de vignes dont il est indissociable, mais encore lié depuis des générations au travail de vigneron, de récoltant, d'artisan de ce breuvage qui fait, depuis les Romains, la réputation de notre région.

Plusieurs souches

Au vu de l'implantation du nom de famille Spannagel et de sa variante Spanagel (Moselle), aussi bien chez nous qu'en Allemagne, il semblerait qu'il existe plusieurs souches indépendantes de ce patronyme. Il est très probable que les Spannagel de Katzenthal tirent leurs racines d'Allemagne où, manifestement, les souches sont multiples, à en croire la répartition précoce du nom.

En effet, dès 1235, un Spannagel est cité dans le Wurtemberg, Sifrit Spannagel est connu dès 1237 en Bavière. Un Anthonius Spannagel est bourgeois de Rottweil en 1441. Peu après, en 1455, c'est un Friedrich Spannagel que nous rencontrons à Bamberg, et un Peter Spannagel est cité en 1480 à Ravensburg, avant qu'un Philipp ne soit connu à Heidelberg en 1560. Le plus ancien de tous les porteurs du nom reste cependant ce Cuonradus Spannagel qui apparaît dès 1183 à Ulm !

En tout cas, le patronyme semble avoir une étymologie claire et commune aux différentes souches : Spannagel n'a rien à voir avec les copeaux (« Span »), mais vient du verbe « spannen » que l'on retrouve dans le mot « Gespann », l'attelage. Un Spannagel (depuis la récente réforme de l'orthographe allemande, il faudrait écrire Spannnagel) désignait la cheville ouvrière, cette pièce en forme de clou (« Nagel »), qui joint le train avant au reste d'un véhicule hippomobile et qui sert de pivot pour l'avant-train.

Une famille du vignoble

Yves Spannagel devant l'arbre familial : plus de quatre siècles d'amour de la vigne à Katzenthal. Photo Denis Dubich  

Chez nous, en Haute-Alsace, le nom semble apparaître pour la première fois dans les archives de Ribeauvillé, avec le dénommé Conrat Spannagel cité dès 1519. Un Hanns apparaît en 1520. Ils seront encore cités par la suite. L'origine de cette souche n'est à ce jour pas connue et le lien éventuel avec la famille homonyme établie à Katzenthal n'est pas avéré non plus.

À Katzenthal, le premier membre connu de cette famille est en tout cas Hans Spannagel, mentionné comme bourgeois du lieu en 1598. Mais c'est Sébastien, son probable fils (né vers 1624, décédé en 1700), marié vers 1650 avec Ursula Barxell, puis en 1667 avec Maria Haas, de Niedermorschwihr, qui est le premier ancêtre certain de l'ensemble de la famille Spannagel locale. Sébastien était « consul », donc maire de Katzenthal. Il sera inhumé, comme son épouse Maria Haas, en l'église paroissiale. Leur pierre tombale est conservée depuis quelques années en la chapelle du village reconstruite après la Deuxième Guerre Mondiale.

Parmi les familles apparentées à sa descendance, nous trouvons de très vieilles familles du secteur, telles que les Scherb, Thomann, Noll, Freyburger ou Lichtenberger. Ajoutons les Grossfuss, Klee, Blanck, Herzog, Eschbach, Weingand, Gilgenkrantz, Schæffer, Utard, Wackenthaler, Hurst...

De Battenheim à Raedersheim

En 1690, à Battenheim, Hans Jacob Spannagel junior est bourgeois et forgeron. En 1701, nous le retrouvons à Ruelisheim. Son père, mort vers 1680, a emporté le secret de son origine dans sa tombe. En tout cas, une branche se déplace en 1722 de Ruelisheim à Raedersheim où sont baptisés jusqu'en 1731 plusieurs enfants de François Antoine Spannagel qui est toujours dit « ferrarius in Rädersheim », donc forgeron. Ce rameau est aujourd'hui éteint dans l'arrondissement de Guebwiller. S'adonnant au métier de forgeron, il fait vraiment figure d'exception. À Katzenthal, on le sait, on est vigneron de père en fils depuis toujours.

Restant bien, quant à lui, dans les métiers de la bouche, le Mosellan Gilles Spannagel a installé un sympathique restaurant dans la rue des Pucelles à Strasbourg. Ainsi, la souche mosellane a rejoint l'alsacienne, sans compter que, régulièrement, des Spannagel allemands viennent goûter le vin de leurs probables cousins de Katzenthal : comme eux, leurs homonymes de Reutlingen comptent en effet des vignerons dans leur ascendance. Voilà de quoi deviser sur leurs arbres ou pieds de vigne généalogiques respectifs.

Une grotte en Autriche

Les Spannagel allemands, mosellans et alsaciens, que nous avons ici tous évoqués, ne sont pas les seuls : une ou plusieurs souches du nom existent aussi en Autriche où l'on trouve, à 2531 mètres d'altitude, une « Spannagelhaus », un grand refuge de montagne, à Lanersbach (Tyrol, A-6293). Mieux encore : vous risquez de vous égarer là-haut dans les 10 km de galeries de la « Spannagelhöhle », la grotte Spannagel !

Pour en savoir plus sur les Spannagel, il suffira de consulter « Nos vieilles familles » de Denis Dubich.

Lignées anciennes au pied du Wineck

Katzenthal apparaît dès 1185 sous le nom de « Katzintal », mais ce n'est qu'en 1687 que la paroisse est dissociée de celle d'Ingersheim : le premier curé, Jean-Gaspard Marstaller, de Bartenheim, est chargé d'instaurer les registres paroissiaux qui nous révèlent tant de choses sur les familles anciennes de Katzenthal. Dès 1687, nous trouvons le mariage de Joannes Georgius Florence, de Labaroche : voilà un nom qui existe toujours dans les alentours sous la graphie adaptée au dialecte alsacien de Florentz. D'ailleurs, le nom sera écrit en 1718 Florans et en 1724 Florantz. Sur le même modèle, les Lorang alsaciens ne sont autres que des Laurent welches eux aussi. En mai 1688, c'est Sebastianus, le fils de Sebastianus Spannagel qui se marie avec Christina Scherb, de Niedermorschwihr. Le mariage suivant sera celui de l'hôtelier « À la Fleur » de Colmar, qui vient convoler à Katzenthal avec Anna Liechtenbergerin.

De près et de loin

Voilà déjà trois des plus anciennes familles inscrites dans le registre des mariages dès les premières années : les Spannagel, Scherb et Lichtenberger appartiennent à celles que l'on connaît dès le XVIe siècle dans le secteur de Katzenthal et Ingersheim. Puis figurent dans ces précieux livres, vers 1690, des membres des familles Thomann, Noll, Wackenthaler (dont le nom signifie « celui qui vient de Vagney », près de Remiremont, village vosgien appelé en alsacien Wackenthal, ou... de Wackenthal, lieu-dit près de Wasselonne ?), les Michel, de « Zell », donc là encore de Labaroche, les Klee et les Haas. Les familles Grosfuss, Schäffer et Kauffmann sont elles aussi présentes au village dès le XVIIe siècle ; seule la troisième y est encore représentée. Si les Ecklé et les Stoeckle sont déjà là au XVIIe, le premier Kuentzmann arrive en 1714 de Niedermorschwihr.

Au petit matin, Katzenthal se réveille sous le blason du village connu dès 1659 par un sceau. Photomontage Denis Dubich  

Au cours des premières décennies du XVIIIe siècle, Katzenthal abrite également quelques Mittelberger, Moritz et Adam, tandis que d'autres familles viennent de plus ou moins loin pour convoler ici : on afflue de Munwiller (un Busch), de Rouffach (une Kempff), de Kaysersberg (un Hueber), de Turckheim (un Schirer), de Niedermorschwihr (un Kopp), de Wettolsheim (un Freyburger), voire de Knutwil ou d'Altishofen, en Suisse (deux Meyer). De Mittelwihr vient Anna Maria Duva (en fait Dubach) qui se marie en 1744 avec Bernard Haas. Finissons par les Schwindenhammer (« celui qui fait tournoyer le marteau », donc surnom d'un forgeron habile), très anciens dans le secteur et apparus à Katzenthal mi-XVIIIe, et par les Zussy qui ne viennent pas de Suisse, comme le pensent certains, mais de l'autre versant vosgien où ce nom s'écrit Saulcy et désigne « celui qui vit près d'un endroit planté de saules ».

Denis Dubich