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Rummelhardt - Rumelhard - Rumelhardt - Rumelhart - Rummelhard...

Une foison de graphies

Denis Dubich, pour les Amis du CDHF, nous entretient d'une famille du Sundgau dont le nom ne connaît pas moins de six graphies différentes du nord au sud de l'Alsace.

S'il existe au moins six manières différentes d'écrire le patronyme que nous nous proposons de survoler ici, on aura néanmoins l'assurance qu'il s'agit dans tous les cas de la même famille. En effet, les familles Rumelhard, Rumelhardt, Rumelhart, Rummelhard, Rummelhardt ou Rummelhart ont en commun leur origine suisse. Voilà une nouvelle fois un cas d'école illustrant parfaitement - et même dans une foison de graphies rarement atteinte ! - ce qui pour les généalogistes quelque peu avertis ne constitue en rien une surprise : les noms de famille n'ont pas d'orthographe.

L'église St-Nicolas de Steinsoultz.
C'est dans cette paroisse que les premiers Rumelhart suisses se sont installés. Photo Denis Dubich.  

C'est probablement le curé de Steinsoultz, auteur en 1753 de notes en latin sur les familles du village, qui nous livre le mieux l'origine de cette famille, parlant de plusieurs porteurs du nom et précisant que cinq frères sont venus de Sursee s'établir dans le Sundgau. Nous apprenons ainsi qu'Ulrich Rummelhard a eu une descendance à Steinsoultz : Heinrich, Lienhard, Jörg, Maria et Catharina. Jörg (Georgius) a fait souche à Hausgauen, Heinrich, qui est mort septuagénaire à Steinsoultz en 1713, a été marié avec Salomea Heber. Leonhardus, poursuit le même curé qui déplie plus avant la généalogie familiale, s'est uni avec Anna Schoffman de Roppentzwiller.

Une famille du Sundgau

Ces origines suisses sont bien confirmées par le regretté Dr Joseph Schürmann, de Lucerne. Dans son travail « Luzerner Auswanderer » (immigrants suisses), il indique en effet que plusieurs membres de la famille Rumelhart (c'est la graphie qu'il utilise dans ce travail) sont partis s'établir dans le Sundgau aux alentours de 1650. Ainsi, Hans, d'Oberkirch, se retrouve dans le comté de Ferrette (1657), Jörg, également d'Oberkirch, se retrouve selon les mêmes protocoles du Conseil à Altkirch (1659), et si Michel, du « Michelsamt », émigre à Rodersdorf, en Soleure (protocoles de 1678), Ulrich Rumelhart, là encore d'Oberkirch, est quant à lui dit « en Alsace depuis 10 ans » dès 1653.

S'il n'est ici pas question de Sursee, le curé de Steinsoultz ne s'y est néanmoins pas trompé : la zone géographique qui nous intéresse se situe au nord du Lac de Sempach. Sursee se trouve à l'ouest de la pointe nord du lac, et Oberkirch quelques kilomètres au sud de cette petite ville. À l'inverse, le Michelsamt (Amt = district, comté) était localisé au nord-est du lac. Il tirait son nom du couvent des chanoines de Saint-Michel à Beromünster et comprenait jadis Gunzwil, Münster, Neudorf, Pfäffikon, Rickenbach et Schwarzenbach. En poursuivant vers le nord, on arrive à Reinach, ville qui donna son nom à une famille noble qui se poursuit elle aussi dans le Sundgau.

Voilà donc la région de Suisse d'où viennent les Rummelhart (et variantes), famille que n'évoque aucun dictionnaire de ce pays où elle semble être éteinte. On repère dans les registres paroissiaux d'Argovie quelques mentions dès la fin du XVIe siècle. Curieusement, on trouve aussi quelques Rummelhart en Allemagne, et ce dès 1588, année où l'on baptise à Sülzbach Weinsberg le fils de Zacharias Rummelhart et de son épouse Beatrix...

Tentons une explication étymologique, en sachant qu'il n'est pas possible de se référer ici à la graphie d'origine (comme beaucoup d'autres, ce nom pouvait être très différent au moment de sa formation, au Moyen Âge), en partant de « Rommel » ou « Rummel » qui signifient « faire du bruit », et « hart » qui renvoie à « dur, fort ». Le terme « rumpeln », qui existe également en alsacien (« rumplà »), est de même origine. Se pourrait-il que le premier Rummelhart, vers la fin du XIIIe siècle, ait été un personnage quelque peu bruyant, par exemple par son activité professionnelle (un forgeron, un meunier ?), voire un énergumène qui se caractérisait plus par le raffut dont il se rendait coupable que par autre chose ?

Les premières mentions des Rummelhart peuvent donc être retrouvées à Steinsoultz, Hausgauen et Roppentzwiller. C'est de là que la famille a gagné d'autres villages. Ainsi, en 1680, Georg Romelhart, de Hausgauen, épouse Eva Wetter. À Grentzingen, en 1692, Joannes Jacobus Rummelhard, « ex Roppelzweiler », prend pour femme Anna Cuoni. En 1704, Jacobus Rumelhart épouse dans ce village Maria Sewiler, une Suissesse de Knutwil (canton de Lucerne). Mais dès 1679, nous trouvons à Bouxwiller l'union de Nicolas Meyer avec Catharina, la fille d'Ulrich Rumelhart, de Steinsoultz.

Avec le temps, nous trouvons des Rummelhard à Altkirch (1683), à Mertzen (1713), ainsi qu'à Kembs, Sternenberg, Friesen-Largitzen, Sierentz, Thann, Mariastein, puis, au XIXe siècle, à Dannemarie, Attenschwiller, Vieux-Thann, Burnhaupt-le-Haut, Hirsingue, Aspach-le-Bas, Steinbach et même Orbey... Les noms de famille n'ayant pas d'orthographe, nous trouvons à ces différents endroits des Rumelhard, Rumelhart, Romelhard, Romelhart, Rummelhard, Rummelhart, indépendamment de l'époque, de la souche et du lieu.

Quelques lignes encore sur les Rumelhard de Gildwiller, où la famille est toujours représentée et où, venue de Sternenberg dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, elle s'est unie aux familles Lorentz (vers 1766), Hueber (1768), Luttenbach (1771), Helg (vers 1779), pour ne citer que celles de l'Ancien régime. Une souche, originaire de Hausgauen, a également émergé dès la fin du XVIIe siècle à Tagsdorf, village où les Rummelhart se sont notamment liés aux Zessinger, Delamontagne, Grienenberger, Ney et Fritsch.

À Hundsbach et Hausgauen, les Rummelhar(d)t sont apparentés depuis le XVIIe siècle aux familles Beimler, Wetzler, Stoecklin, Brunner, Brand, Springinsfeld, Morgen, Ruetsch, Groll, Ney, Baur, Fritsch... La famille est d'ailleurs toujours représentée dans ces deux villages, aujourd'hui, de même que dans près de trente autres communes haut-rhinoises et trois du Bas-Rhin.

Longtemps après l'arrivée de Suisse de cette souche du Sundgau, les registres d'Ingersheim, à deux pas de Colmar, révèlent l'apparition d'une nouvelle famille du nom en 1762, année où nous y trouvons en effet le mariage de Joannes Rumelhard de « Wohlen en Suisse », avec Magdalena Ingold qui appartient à une famille ancienne d'Ingersheim. Il doit s'agir ici du Wohlen situé dans le canton d'Argovie, proche du lac de Sempach et peut-être même canton-berceau de la famille.

Un ambassadeur

Né à Mulhouse en 1941, Jacques Rummelhardt est un diplomate français diplômé de l'Institut d'études politiques, licencié en sociologie et ancien élève de l'ENA. Entré au Ministère des Affaires étrangères en 1964, il a occupé différents postes au Canada, au Nigeria, à Paris, Madrid et La Haye. Entre 1987 et 2005, il a occupé le poste d'ambassadeur de France dans de nombreux pays, avant d'être nommé Conseiller diplomatique du gouvernement en septembre 2005. Puisqu'il a fallu choisir, c'est en son honneur que nous avons retenu pour le titre de cette notice l'orthographe Rummelhardt.

À Gundolsheim

Le 5 mai 1847 se marient à Gundolsheim Jean-Baptiste Rumelhard, journalier, né à Wittenheim en 1816, et Madeleine Schmidt. À la fin de l'acte, Jean-Baptiste signe Rommelhart. Et, en effet, le 28 juin 1816, le chirurgien Jean Thiébaud Rummelhart, époux d'Anne-Marie Schilling, avait déclaré à Wittenheim la naissance de son fils. Le mariage de « Diebolt Romelhard » (sa signature en 1816) demeure malheureusement introuvable à Wittenheim, si bien que le village d'origine de cette souche, qui se poursuit à Gundolsheim et Rouffach, est pour l'heure inconnu. En tout cas, le curé de Gundolsheim inventera en 1870 une graphie inédite, « Roumelhart », qui n'aura pas d'avenir au village, mais des Roumelard existent bel et bien depuis que la famille a gagné aussi la « veille France » !

Denis Dubich