Notices de familles ( 1305 entrées )

Hasenfratz - Hassenfratz

Le surnom pris au pied de la lettre

Les traits moraux ou physiques particulièrement visibles ont donné un nombre considérable de patronymes à une époque où il était important de distinguer les différents Pierre ou Jean d'un même village. Parmi ces caractéristiques se trouvait le bec de lièvre qui est probablement à l'origine du patronyme Hasenfratz ou Hassenfratz (« face de lièvre »), à moins que l'ancêtre de la famille ait simplement eu un visage rappelant celui du lièvre.

Petrus Dasypodius

Le plus célèbre Hasenfratz de tous les temps se prénommait Peter. Né vers 1495 d'une famille d'Uesslingen (Suisse), il devint chapelain de Frauenfeld en 1524 et s'installa ensuite à Strasbourg où il vécut de 1533 à sa mort en 1559. Maître de grec et de latin, il entra dans l'histoire en publiant des lexiques sous le nom d'humaniste Petrus Dasypodius (traduction approximative de son nom). Son fils Konrad Hasenfratz, encore né à Frauenfeld, restaura en 1578 la célèbre horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg, ville où il vécut lui aussi et mourut en 1600.

Se pourrait-il que les Hasenfratz ou Hassenfratz alsaciens, toujours bien représentés du nord au sud de l'Alsace, soient leurs descendants, Konrad s'étant marié quatre fois ? En tout cas, la grande majorité des familles du nom proviennent bien du Bas-Rhin, de Reichshoffen exactement, donc à une vingtaine de kilomètres au nord de la capitale régionale. Notons toutefois d'emblée que des porteurs du nom sont également attestés à Löffingen, entre Titisee et Donaueschingen (Allemagne), par exemple, dès le début du XVIIIe siècle. En 1735, un Michel Hasenfratz était le prévôt de Mundelfingen, près de Donaueschingen. En Suisse, la famille était implantée à Uesslingen, au XVe siècle ; de là, elle gagna d'autres régions du pays.

Une famille bas-rhinoise

Reichshoffen semble être le berceau des Hasenfratz ou Hassenfratz alsaciens : pour autant que cela soit vérifiable par les sources archivistiques, c'est de là que sont venues quasiment toutes les actuelles familles haut-rhinoises du nom. Dans cette petite ville du Bas-Rhin, ils sont attestés dans le registre des mariages dès 1693 (ouverture en 1685 pour les baptêmes, en 1690 pour les mariages).

Dans le Bas-Rhin, la famille est notamment représentée à Gundershoffen et à Oberbronn dès le XVIIIe siècle, à Kutzenhausen à partir de 1753 et à Hochfelden depuis le XIXe siècle. À Ottrott (près d'Obernai), les Hassenfratz apparaissent le 29 août 1785 avec le mariage de Joannes Petrus, tailleur de pierres originaire de Reichshoffen et fils de Franciscus Hassenfratz et d'Anna Maria Waltzer.

Venu d'Ottrott où il est né en 1875, le schlitteur Xavier Hassenfratz est l'ancêtre des familles du nom vivant à Issenheim, Gundolsheim et Raedersheim, qu'ils prennent un « s » ou deux ! Son descendant Robert Hasenfratz (1928-1998) fut le maire d'Issenheim de 1971 à 1995. Xavier était l'un des nombreux membres de cette famille à être venus s'installer dans notre département. À Guebwiller, en 1846, c'est Pierre Hassenfratz, serrurier de 24 ans et fils de Dominique, tonnelier à Reichshoffen, qui vint épouser Elisabeth Wellenritter, née à Rahling (Moselle). Est-ce lui qui, la même année, émigra aux États-Unis ? La souche de Guémar, initiée en 1816, vient également de Reichshoffen. À Mulhouse, c'est un Joseph qui se mariait en 1858, et à Colmar, Catherine Amélie en 1846 comme Barbe en 1850 avaient tous trois leurs racines près de Reichshoffen.

Xavier Hassenfratz, né en 1875 à Ottrott.  

Restent, notamment, les Hassenfratz de Rustenhart, dont l'ancêtre, Joseph, épousa au village Catharina Fey. Dans son acte de mariage, en 1759, on lit « ex Reschac », origine énigmatique dont on ne saurait affirmer s'il s'agit là encore de Reichshoffen ou non. Dans la famille, le souvenir s'est malheureusement perdu. En tout cas, les branches d'Oberhergheim (depuis 1784) et de Logelheim (XXe siècle, d'Oberhergheim) sont issues de Rustenhart qui a connu un maire du nom de Joseph Hassenfratz, à la fin du XIXe siècle. À Gundolsheim, Georges Hassenfratz assure avec ferveur la fonction de sacristain et s'investit dans la rénovation de l'église du village. Faut-il y voir un lien avec la piété de Petrus Dasypodius, son hypothétique ancêtre, et l'ingéniosité de son fils Konrad Hasenfratz au XVIe siècle ?

Has(s)enfratz : visages célèbres

Nous évoquions plus haut Petrus Dasypodius alias Hasenfratz, venu de Suisse à Strasbourg pour y rédiger plusieurs ouvrage, puis son fils Konrad qui restaure l'horloge astronomique remontant au XIVe siècle mais restée immobile depuis des décennies.

Voici encore Jean-Henri Hassenfratz, chimiste né en 1755 à Paris. Après un grand voyage formateur qui le conduit de la Martinique à l'Autriche, la Hongrie et l'Allemagne, il obtient à Paris la direction du laboratoire de Lavoisier, devient membre du Club des Jacobins, avant de devenir professeur de physique à l'École Polytechnique en 1794. Il meurt en 1827, au terme d'une carrière remarquable.

Amilcar Hasenfratz, voilà un nom surprenant : eh bien, c'est le pseudonyme du sculpteur de la statue de la Liberté Frédéric Auguste Bartholdi, en 1856, alors qu'il expose des peintures lors d'un salon au bord du Nil.

Revenons à Robert Hasenfratz, maire d'Issenheim pendant 24 ans, patron des sapeurs pompiers de 1971 à 1995, vice-président du district de Guebwiller durant la même période, parmi d'autres titres et charges.

Un mot, enfin, sur la jeune cycliste du Vélo-Club Alsatia Guebwiller, Claire Hassenfratz, de Wintzfelden, issue d'une famille de passionnés de la petite reine, qui est déjà championne d'Alsace cadette et vice-championne de France. La plus jeune des Hassenfratz sortant des rangs n'en est qu'à ses débuts !

N.B. : une version plus longue et plus richement illustrée de cette notice figure dans le volume II de Nos vieilles familles de Denis Dubich. Elle se prolonge par un chapitre sur les « noms d'oiseaux » devenus noms de familles. Pour découvrir ce livre, suivez ce lien.

Denis Dubich