Notices de familles ( 1305 entrées )

Ebersol - Ebersold - Ebersohl - Aebersold

Denis Dubich nous entraîne dans l'Emmental, afin de plonger aux sources d'une famille remontant, dans cette vallée bernoise, au XIVe siècle.

Au bonheur des sangliers

1687. C'est au début de cette année-là que le nom de famille Ebersol apparaît pour la première fois à Wittenheim, le berceau de la famille actuelle du nom. Une première mention qui n'est que l'inauguration d'une longue série se poursuivant jusqu'à notre époque. Douze générations plus tard, les descendants de Nicolaus Ebersol sont toujours présents sur le sol alsacien qu'ils cultivent inlassablement : chez les Ebersol, depuis Nicolaus, on est en effet agriculteur de père en fils, nous explique Joseph Ebersol, de Raedersheim, que nous avons rencontré.

Au bonheur des sangliers, disions-nous plus haut. Voilà une étrange façon de débuter une notice familiale. Pourtant, cette sorte de définition n'est pas sans rapport avec le nom de la famille qui nous intéresse ici. En Suisse, les Ebersold ou Aebersold sont connus depuis des siècles, et la signification du nom ne l'est pas moins : Äbersol est en fait le nom de plusieurs lieux-dits suisses, mais les spécialistes estiment que c'est celui qui se situe dans le ban de la commune d'Oberhünigen, tout près de Grosshöchstetten, dans le canton de Berne, qui doit être à l'origine du nom de la famille. Or, cette dénomination Äbersol ou, en fait, « Eber-Suhle », signifie littéralement « flaque [Suhle] dans laquelle les sangliers [Eber] prennent un bain de boue » ! Dans le canton de Lucerne, il existe également un hameau nommé Ebersol, mais à notre connaissance, ce hameau n'est pas à l'origine du nom d'une famille.

Connus dès 1361 dans l'Emmental

Le premier membre connu de la famille se nommait en 1361 Jenni von Ebersol. Ce paysan d'Oberhünigen est donc encore cité avec la particule « von » ou plus exactement la préposition indiquant bien son origine géographique : ainsi donc, Ebersol est sans nul doute un toponyme (et non un sobriquet, par exemple). En 1471, lorsque l'on cite à Oberdiessbach le nom de Nickli Ebersol, dans le cadre d'une condamnation à la peine capitale pour laquelle il se prononce à Biglen, la préposition « von » a déjà disparu. Puis apparaissent en Suisse les variantes Aebersold, Äbersoldt et beaucoup plus rarement Ebersold. Dès la fin du XVe siècle ou en tout cas le début du XVIe, les Aebersold fleurissent sous ce nom dans un périmètre situé à quelques lieues au sud-est de la ville de Berne. Les Ebersold, plus rares en Suisse, se retrouvent surtout à Zäziwil (canton de Berne) depuis plusieurs siècles. Et s'ils ont gagné Zurich en 1940 depuis ledit Zäziwil, ils n'y ont rejoint qu'une autre famille du même nom établie là depuis 1927 et venue... de France ! Une vingtaine de familles Ebersohl vivent dans le Bas-Rhin, et des Ebersohle, sans doute venus de Suisse, sont connus dès le XVIIe siècle en Allemagne. D'autres, suisses eux aussi, sont en Moselle.

Illzach, refuge des Bernois réformés

Et si 1687 n'était pas la première mention de l'Alsacien Claus Ebersol ? Pourrions-nous reculer de quelques années les connaissances que nous avons de la famille ?

Si l'on parcourt des registres paroissiaux, protestants, d'Illzach, on se rend très vite compte de l'extraordinaire fréquence des noms de famille bernois. Si les Weber ou Wäber, les Zürcher, les Baumann, les Hartmann et surtout les Steinbach sont déjà présents à Illzach à la fin du XVIe siècle, on note, à partir d'environ 1644 une arrivée massive de familles ou d'individus originaires du canton lui aussi protestant de Berne : ils se nomment Moser, Tschudi, Althaus, Hildbrunner, Huntzinger, Zauck (Zaugg), Thierstein, Schopfer, Rohrbach...

Parmi eux se trouvent aussi plusieurs familles Ebersol ! La première figure dans le registre des baptêmes, le 28 mai 1654 : en effet, Peter Ebersol et son épouse Elßbeth Vögelin (Vogel ?) portent sur les fonts baptismaux leur fils Ulrich. Le 2 novembre 1656, un autre couple baptise une fillett : Hanß Ebersol et son épouse Catharina Leüthin sont donc eux aussi à Illzach. Un troisième couple baptise un petit Johannes le 31 août 1662 : Steffan Ebersol et Elßbeth Brüdlin se sont mariés à Illzach en 1661 où ils auront encore plusieurs autres enfants. Mais ce n'est pas tout ! Un quatrième couple est à Illzach dès 1678 : Bentz Ebersole et Barbara Königin baptisent en effet une petite Barbara le 2 août ! Benedict Ebersold (son nom à partir de 1680) aura plusieurs enfants, dont certains avec sa seconde épouse, entre 1680 et 1688. Puis, la famille disparaît... Tous ces Ebersol sont en tout cas venus de Niederhünigen, de Münsingen ou d'Ursellen, donc précisément de la région au sud-est de Berne qui constitue le berceau familial dès 1361.

À Soultz aussi

Comme s'il nous fallait une preuve supplémentaire de la localisation du berceau de cette famille, les registres paroissiaux de Soultz nous livrent, en juin 1659, le mariage d'un certain Hanß Ebersoll, de Münsingen lui aussi et converti au catholicisme, avec Anna Kreuttlerin, du canton de Soleure. En décembre 1661, le couple fera baptiser un petit Joannes Valentinus, puis on n'entendra plus parler des Ebersoll à Soultz...

Revenons aux Ebersol d'Illzach, probablement liés à ceux de Wittenheim. En effet, le premier couple connu à Illzach, Peter Ebersol et Elßbeth Vögelin, ont dès le mois de juin 1660 un fils : Clauß (Nicolas). Et Clauß Ebersoll, c'est justement le nom de l'ancêtre de tous les Ebersoll de Wittenheim et, aujourd'hui, de Raedersheim. La relation n'est pas (encore ?) prouvée, car il n'est pas possible de trouver le mariage de ce Nicolas avec Margaritha Weisbeck, dans la mesure où les registres paroissiaux antérieurs à 1685 sont perdus. En tout cas, Nicolas, né en 1660, est en âge d'avoir lui-même des enfants dans les années 80, et Illzach sert alors fréquemment de plaque tournante pour nombre de ces ressortissants bernois cités plus haut : on ne reste pas toujours à Illzach, mais on gagne depuis cette paroisse d'autres villages où l'on s'installe et, parfois, se convertit au catholicisme.

Quoi qu'il en soit, le Clauß Ebersol baptisé le 24 juin 1660 à Illzach est le seul du nom que nous ayons trouvé en Haute-Alsace à ce jour. Ce fils de Peter Ebersol et d'Elßbeth Vögelin pourrait par conséquent être l'ancêtre des Ebersol de Wittenheim.

À Wittenheim, puis Raedersheim

Après le baptême d'Anna Maria en 1687, Claus Ebersoll et Margaritha Weisbeck « von Wittenheim » sont les heureux parents d'une petite Catharina, le 10 juin 1691. Si nous relevons particulièrement cet acte, c'est parce qu'il est exceptionnellement rédigé avec le prénom allemand du père, Claus, alors qu'habituellement, on trouve Nicolaus dans les registres paroissiaux. Ce n'est bien entendu pas la petite Catharina qui transmettra le nom de son père, Ebersol, à sa descendance. Cette tâche incombera à Antoine, le seul fils (à en croire les registres paroissiaux de Wittenheim débutant en 1685) de Nicolas qui a au moins huit enfants : cet Antonius (avant 1685), Anna Maria (1687), Catharina (1691), Ottilia (1694-1698), Maria Elisabetha (1696), Catharina (1699), Johannes (1707) et Anna Maria (1703).

D'Antoine Ebersol, nous ne savons pas grand-chose, sinon qu'il semble apparaître pour la première fois dans les registres de son village le 9 juin 1700 comme parrain d'Antonius Kammerer. En tout cas, Antoine épousera Anne Marie Hartmann et sera avec celle-ci la tige de toute la famille qui aurait pu s'éteindre facilement s'il n'y avait eu leur fils Antoine, en 1720, époux de Catherine Tischmacher, pour poursuivre la lignée ! Les autres enfants du couple Ebersol-Hartmann s'unirent aux familles Kippler, Klentzler, Weissbeck et Missner.

Joseph Ebersol père, photo de 1890  

À la quatrième génération alsacienne (ou la cinquième si l'on admet que Claus est né à Illzach), on trouvera des unions avec les familles Stoll, Meyer (de Landser), Missner, Helfer (de Kingersheim) et Mauses (d'Ungersheim). Ce sont justement François Joseph Ebersol (1790-1855) et Anne Marie Mauses (1789-1855) qui sont à l'origine des Ebersol vivant actuellement à Raedersheim. Leur fils François-Joseph (1815-1886), maire de Wittenheim de 1847 à 1876, épousera Marguerite Biehly (1821-1886), d'Ungersheim, et leur petit-fils Joséphine Krafft (1842-1916), de Raedersheim où il s'installe. Leur fils Joseph se marie en 1925 avec Marie Joséphine Stéphanie Nico. Voilà les parents de Joseph Ebersol qui convolera avec Marie-Madeleine Laucher, de Soultz, époux que l'on peut reconnaître sur notre photo. Parmi les nombreux petits-enfants que leur ont donnés leurs quatre enfants, c'est sur les jeunes Laurent et Benjamin que repose la pérennité du nom Ebersol en Haute-Alsace, un patronyme qui peut s'enorgueillir de 645 années d'histoire.

Denis Dubich