Notices de familles ( 1305 entrées )

Hartmann

Du chantre de l'amour à l'homme sans peur

Certes, on connaît dans les détails l'histoire et les conquêtes d'un Alexandre le Grand. Certes, on sait comment César a soumis la Gaule, comment Vercingétorix s'est incliné avec gravité devant lui, il y a 2000 ans. Dire, dès lors, que les Hartmann font partie des plus vieilles familles de Haute-Alsace peut faire sourire, à considérer qu'ils ne remontent « qu'au » XIVe siècle ! Et pourtant, le fait de pouvoir remonter jusqu'à cette époque, où les noms de famille étaient loin d'être définitivement attribués, constitue une véritable exception : à Mulhouse, les Hartmann portent le même nom, dans une graphie inaltérée, depuis les années 1350 au moins.

Un nom universel

Des Hartmann de diverses souches existent aussi dans les pays voisins. Et pour cause : Hartmann est à l'origine un nom de baptême des plus appréciés, sans doute parce qu'il se compose des lexèmes « hart », courageux, et « man », l'homme - « l'homme sans peur » : on peut imaginer dénomination plus infamante !

Comme nous l'exposions dans notre page consacrée le 9 août dernier aux Trautmann, nos ancêtres avaient une large palette de ce type de constructions : Bernhard, Herrmann, Walther... Parmi eux, Hartmann a bénéficié d'un succès tout à fait exceptionnel, grâce au poète Hartmann von der Aue qui vivait en Allemagne entre 1165 et 1210 environ. On sait peu de choses de ce chevalier, mais il a laissé de fameux « Kreuzlieder » et « Minnelieder », ces chants de croisades et d'amour courtois. Fort de ce succès, le prénom acquit ainsi ses lettres de noblesse et devint également patronyme.

Dès 1272, un Hartwicus Hartmanni vivait à Hambourg. Moins d'un siècle plus tard, des Hartmann étaient à Mulhouse, représentés par Peter l'ancien, agriculteur et membre de la tribu éponyme en 1418. La génération suivante, semble-t-il, connaissait Peter le jeune et Werlin, ainsi que Hans, qui s'installa à Illzach à pareille époque. Morand, né vers 1470, et Adolf, venu au monde vers 1500, seront les initiateurs des lignées Hartmann toujours florissantes du Sundgau. D'Altkirch, une branche partit dans le canton de Fribourg, partageant le destin des familles Hartmann attestées en Suisse dès le XIIe siècle à Bâle, le XIVe du côté de Lucerne et Berne... D'ailleurs, plusieurs Hartmann suisses arrivèrent en Alsace au fil des siècles, par exemple Johannes, de Kapell, qui se maria à Logelheim en 1676.

Dans toute l'Alsace

À Mulhouse, la famille se hissa dès le XVIe siècle au rang des familles patriciennes. Les armes de Hanns Hartmann, maire de Mulhouse en 1585 et décédé en 1602, sont visibles à l'Hôtel de Ville, comme celles des autres maires de la Cité du Bollwerk.

Le Mulhousien Werlin Hartmann, cité en 1416 aux côtés de Hennin Moyses, possédait des biens à Wittenheim. En médaillon, Hartmann von der Aue.
Photomontages Denis Dubich  

À Colmar, le nom apparut au milieu du XVe siècle. En 1439, Bernhard de Wolffsheim dut promettre de ne pas récidiver après l'attaque et l'emprisonnement dont il s'était rendu coupable sur la personne de Claus Hardeman, chapelain du chapitre de Saint-Martin. En 1436, Claus avait d'ailleurs lui-même versé un don à ce chapitre, pour son propre salut et celui de sa mère.

Le Hartmann colmarien suivant connu de nous se nommait Anthonius et eut maille à partir avec la justice de sa ville en 1534.

En 1574, Claus Hardtman, du Val de Villé, fut inscrit au registre colmarien des mises au ban : accusé d'avoir joué avec des cartes truquées, il fut cependant libéré.

La servante Appolonia Hartman fut inculpée en 1586 pour vol : elle aussi fut finalement libérée.

Le patronyme existe toujours, à Colmar, mais il faut savoir qu'un Johan Hartmann, baigneur « Aux trois Roues » arriva de Strasbourg en 1661, suivi en 1680 d'Ulrich Harttmann, de Bruck (Berne), puis de Johann Jacob Hartman, d'Emmendingen (Bade), en 1730. D'autres porteurs du nom arrivèrent encore par la suite à Colmar. À Munster, le patronyme existait dès 1593, mais les industriels Hartmann sont les descendants de Jacob, d'Emmendingen, dont le fils André, fabricant d'indiennes né en 1747 à Colmar, devint en 1808 le maire de Munster.

Les Antonins d'Issenheim citaient dès 1410 un Hartmann établi à Uffholtz. À Issenheim même, d'ailleurs, vivait en 1560 un Caspar Hartmann. Est-ce lui qui insulta, avec sa femme, la servante de Stoffel Wacker, à Guebwiller quelques années plus tard ? En tout cas, Anthony Hartmann était le greffier de Soultz en 1552.

À Gueberschwihr, Bertschi Hartmann figure dès 1459 dans plusieurs documents. En 1515, ce sont un Hans et un Bartschi, en 1598 un Steffan Hartmann que nous retrouvons dans ce charmant village sur lequel nous reviendrons prochainement.

Il serait difficile de citer ici toutes les familles du nom : des Hartmann étaient au XVIIe siècle à Habsheim, Schlierbach, Altkirch, Hirtzfelden, Thann, au XVIIIe à Bergholtz, Blodelsheim, à Munchhouse, nombreux, à Hirtzfelden, Kembs, Wettolsheim... Peu de villages alsaciens n'ont pas, un moment ou un autre, abrité des Hartmann. Mieux encore : nous en avons trouvé jusqu'à Galway, en Irlande !

N.B. : une version plus longue et plus richement illustrée de cette notice figure dans le volume II de Nos vieilles familles de Denis Dubich. Elle se prolonge par un chapitre sur les plus anciennes familles de la Cité du Bollwerk. Pour découvrir ce livre, suivez ce lien.

Denis Dubich