Notices de familles ( 1305 entrées )

Trautmann - Trutmann - Truttmann

Entre Suisse et Alsace

Trutmann, plus tard Trautmann, dans certains cas, voilà un « surnom » des plus agréables dans la série presque infinie de ceux que nos ancêtres s'attribuaient (ou dont ils s'affublaient) mutuellement ! Trutmann était, en effet, la désignation retenue, au Moyen Âge, pour un homme au caractère aimable, l'adjectif « trût » signifiant jadis « chaudement apprécié, aimé ». Il s'agit donc d'un nom de baptême médiéval (nos actuels prénoms) devenu patronyme.

Un peu partout en Haute-Alsace, ce nom de famille existait dès les temps les plus reculés, comme nous allons le voir de façon détaillée. Commençons par la région de Colmar où ses traces sont repérables dès le XIVe siècle : Weltschin Trutman fut en effet admis à la bourgeoisie de la ville dès 1366.

Non loin de la capitale de la Haute-Alsace, à Sainte-Croix-en-Plaine, nous trouvons en 1405 une certaine Kattherina Trutmenyn dont il est dit « legauit XIV d. » : en d'autres termes, Catherine Trutmann légua cette année-là 14 deniers à Saint-Martin de Colmar pour le salut de son âme.

Au XVe siècle, les mentions de la famille sont assez régulières à Colmar. Clewin (Nicolas) Trutman faisait partie en 1459 à la corporation des « Ackerlüten », ces fiers hommes de la terre, à côté d'autres Colmariens comme Claus Würmlin, Thenige (Antoine) Scherer, Walther Heimburg, Clewin Göppfrit ou Lienhart Büheler... En 1490, nous trouvons, toujours un certain Cleuwin Truttman. Difficile de dire s'il s'agit du Clewin Trutman de 1459. Jorg (Georges) Trüttman vient clore la liste des échevins la même année, certes, mais parmi les représentants des tailleurs de pierre. Aucun autre porteur du nom ne figure plus parmi les échevins par la suite, mais Ludwig Trutman apparaît comme... bourreau en 1477.

En 1479, Bartholome Trütman, fils de Clewi Trütman, bourgeois de Colmar, est cité dans un parchemin. La même année, Hanns Trütman et Heinrich Riese sont jugés à Colmar pour délits et injures à l'encontre du maître de corporation et condamnés à 5 ans de bannissement.

De Rouffach à Sausheim

Des Truttman étaient établis à Rouffach dès le XIVe siècle : Haneman Trutman était même le prévôt de la ville en 1372. Son fils Hans accéda à la bourgeoisie de Bâle dès 1425. Les liens entre les Trutman de Bâle, Rouffach et Guebwiller étaient alors très étroits.

Alors que les Armagnacs occupaient Guebwiller, l'un de leurs chefs logeait à l'auberge de Werner Rutsch (ou Ruetschi Vormann, selon les sources) auquel il confia provisoirement sa fortune. Mais il périt au combat, et l'aubergiste conserva l'argent jusqu'à sa propre mort. Sa veuve épousa Heinrich Truttmann, prévôt de Guebwiller en 1462, dont elle eut un fils prénommé Hans qui partit vivre, là encore, à Bâle où il est cité en 1522.

De Bâle, certains Truttmann sont revenus en Alsace pour y exercer de hautes fonctions, notamment Hans Truttman, maître de corporation de cette ville suisse, cité comme tel aux côtés de Mathias Fridman, prévôt de Guebwiller, et de Hans Beck, en l'an 1520. En 1548, d'ailleurs, le prévôt de Guebwiller sera un certain Hans Trauttman. Dix ans plus tard, c'est un Diebold Trautmann, de la même cité du Florival, que les Antonins évoquent.

Le patronyme était également connu à Soultz où vivait dès 1414 Peter Trutman, suivi de nombreux autres porteurs du noms, tels que Clausin en 1429, qui habitait dans la Hagenmeistergasse, Peter en 1461 ou Clewin et Diebolt en 1470, voire Cunrat Truttmann qui fut prévôt de Wuenheim entre 1513 et 1522. Un Clewin Truttman, de Sausheim, est cité dès 1433 dans un document des Antonins d'Issenheim. En 1506 enfin, Jacobus Truttmann, de Gundolsheim, était inscrit à l'université de Bâle.

Le Cantor de Murbach

Le chevet de l'abbaye de Murbach date du XIIe siècle, époque de la fondation de la ville de Lucerne. En incrustation, les armes des Truttmann de Küssnacht am Rigi, probables cousins de ceux de Murbach. Photomontage Denis Dubich  

À laquelle de ces souches pouvait bien appartenir le pieux Petrus Trutma, « chantre » de l'église Sainte-Marie de Murbach (détruite en 1692), cité dès 1334 et mort en 1389. Sa pierre tombale est exposée à l'école Koechlin de Buhl, comme celle de Cuonrad Nantwig, chanoine mort en 1377. La forme Trutma intrigue, car elle correspond à l'une des prononciations suisses du nom Truttmann.

Il se pourrait, en effet, que certains de ces porteurs du nom, au Moyen Âge, soient originaires de la Suisse centrale. Rappelons en deux mots que c'est Murbach qui fonda la ville de Lucerne en 1178. Or, à Küssnacht am Rigi (à 10 km de Lucerne), il existe dès le Moyen Âge une famille Truttmann dont le nom se prononce Truttma. Connue dès 1302, cette famille importante donna à Küssnacht des prévôts et des personnalités de premier rang. La filiation est connue dès cette époque et aboutit, chez nous, à Robert Truttmann, de Zimmersheim, dont l'ancêtre Johann Sebastian Trutmann, né en 1714 à Küssnacht, se maria en 1737 avec Maria Eva Meyer à Feldkirch où il fit souche. Robert Truttmann, qui est très lié à Küssnacht, porte donc fièrement les armes remontant à 1506 des Truttmann de la ville d'origine de son ancêtre.

Denis Dubich

N.B. : une version plus longue, notamment sur les Truttmann de Küsnacht am Rigi, et plus richement illustrée de cette notice figure dans le volume II de Nos vieilles familles de Denis Dubich. Elle se prolonge par un chapitre sur les formations patronymiques composées de plusieurs éléments anciens. Pour découvrir ce livre, suivez ce lien.