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Moeglen - Moeglin

Dès le XIVe siècle : un ancrage au superlatif

Appartenir à la famille Moeglen ou Moeglin, c'est avoir l'assurance de faire partie de l'un des plus anciens lignages de Haute-Alsace. Connue à Colmar dès 1385 grâce à Heintzman Mögklin, qui y possède une maison, et en 1405 par Ülli Möggelin, la famille est à pareille époque établie à Gundolsheim où l'on compte, en 1389, Ottman Meicklin, Clewi Mecklin et les héritiers de Hans Meckli !

Tout au long du XVe siècle, leurs descendants se voient cités dans l'histoire du village dont ils sont, pour plusieurs, les prévôts. Leur trace peut être retrouvée dans les inestimables archives du Haut-Mundat (Rouffach), ainsi que dans nombre de terriers d'époque. Heintz Mögklin est ainsi mentionné en 1425, suivi en 1433 du prévôt Peter Mögkelin ; Henni Mögelli, toujours de Gundolsheim, figure parmi les témoins d'un acte que rédige en 1441 le prévôt du village Hanns Schermesser. Les mentions se succèdent ainsi d'une façon proprement inespérée, s'agissant d'une famille non noble, aboutissant ensuite aux registres paroissiaux qui débutent là encore très tôt, à Gundolsheim, à savoir dès la fin du XVIe siècle. D'ailleurs, en 1602, Joannes Möglin, « der Zehendmeyer », le valet dîmier, est le parrain de 119 confirmands du village !

De « lointains » parents

L'ancienneté du lignage se saisit déjà de son implantation en diverses paroisses de Haute-Alsace dès le milieu du XVIe siècle : les Moeglen alias Moeglin sont par exemple représentés à Issenheim dès 1567, avec Bardtlin Mögklin ; en 1587, ce Bartlin ou un homonyme est connu comme aubergiste dans ledit village et sollicite de la part de la Régence d'Ensisheim des délais pour le paiement d'impôts qu'il a quelques difficultés à régler.

Le clocher roman et octogonal de l'église de Gundolsheim a vu passer de nombreuses générations de la famille Moeglen ou Moeglin qui vit là depuis le XIVe siècle au moins.  

Le plus remarquable est sans doute de constater, lors du partage des biens du défunt Thannois Burckhart Mögkhlin, dès 1561, combien la lignée s'est alors déjà disséminée dans la région. Parmi les héritiers de Burckhart, on trouve en effet Diobold, Andres, Plasi (Blaise), Friedrich et Hans Möckhlin de Gundolsheim, Diebold Öttlin, prévôt de Bergholtz et époux de Gertrud Mockhle, Hans Möckhlin et sa fratrie de Rouffach, ainsi qu'Augustin Sengeyser, membre du magistrat et époux d'Anna Mockle. Au décès de Wolff Möglin, également de Thann, en 1564, nous retrouvons le même tableau : ainsi se confirme la parenté entre les Möglin de nombreuses localités plus ou moins distantes, appartenance avérée, dès le milieu du XVIe siècle, à une famille unique et démontrant que tous les porteurs du nom viennent bien du village-souche Gundolsheim.

Entre 1616 et 1620, la famille est représentée à Merxheim où Hanns réside près du pressoir, et en janvier 1625, Lux (Lucas) Möglin d'Orschwihr fait l'objet d'une mention dans le notariat ancien pour avoir obtenu du juif Schew de Bergholtz un emprunt de 72 livres bâloises. Catharina Mögle de Réguisheim convole en 1630 en justes noces à Ungersheim avec Johannes Meyer, mais un an plus tard, le 14 avril 1631, un Hans Möglin de Gundolsheim voit son destin basculer tragiquement, lui qui tombe alors aux mains des inquisiteurs et est exécuté pour sorcellerie ! Cette traque insensée a fait des centaines de victimes dans la région et rapporté gros aux autorités confisquant au passage les biens des malheureux ?

Familles alliées

À Gundolsheim, très probable lieu d'origine de la famille au Moyen Âge, les Moeglen se sont unis à nombre de familles : on compte ainsi, au XVIe siècle, des alliances avec les Kimpflin et les Leibstein de Merxheim, les Lautenschlager, les Neyer de Raedersheim, les Hercker et Moyses, au XVIIe siècle avec les Daubach, Hanffer, Gross, Rottman, Schermesser, Kraus, Thuet, Bannwarth, Schilling, au XVIIIe siècle avec les Larger, Furstenberger, Althaus, Dubich, Meistermann, Lidolff, Hickenbick, etc. Jadis d'une importance prédominante, tant numériquement que socialement, la famille est aujourd'hui éteinte à Gundolsheim.

Une souche allemande

Un patronyme émerge rarement en un seul endroit de la planète : selon sa signification, un même nom de famille peut avoir différentes souches sans lien entre elles. Même si le sens du patronyme Moeglen ou Moeglin conserve une grande part de mystère, on pourra ainsi trouver une famille du nom en Allemagne dès le XVe siècle. Un Johannes Mögling est en effet né vers 1450 à Urach, et au XVIe siècle, les Mögling sont déjà bien représentés à Tübingen et Bernhausen. Un siècle plus tard, le patronyme est également attesté à Sindelfingen et Stuttgart. Aux XVIIe et XIXe siècles, on trouvera notamment des Möglen à Stammheim.

Plus près de chez nous, les porteurs alsaciens du nom se retrouvent donc de bonne heure plus ou moins loin de leur village d'origine. Dès le XVIe siècle, outre Thann, Rouffach ou Issenheim, comme nous l'avons vu, on rencontre également la famille dans le secteur de Wittenheim, village dont Diebold Möglin sera le prévôt en 1679. Plus tard, la lignée fleurira également à Rixheim où elle s'unit au XIXe siècle aux familles Basler, Stierlin, Risch, Spitz, Metzger, Wohlgrad, Meyer ? Aujourd'hui, la famille est notamment représentée à Munchhouse, Meyenheim, à Mulhouse, Wittenheim et Issenheim (où l'on rencontre les deux graphies : Moeglen et Moeglin) ; à Merxheim, où les Moeglen ont fait plusieurs apparitions au fil des siècles, en provenance de Gundolsheim ou d'Issenheim, la famille, venue cette fois-ci de Meyenheim, est à nouveau représentée depuis quelques décennies.

Un grand médecin

À Soultz, les Meglin ou Mäglin figurent également dans les registres de la paroisse Saint-Maurice dès 1656 et jusqu'à la Révolution. Simon est l'époux d'Eva Munsch, en 1656, et vit à la verrerie : il est dit « vitriarius », verrier, et cité comme tel aux mariages de ses quatre filles, entre 1683 en 1701. Nous ne saurions parler des Moeglin sans accorder une place de choix à un membre important de cette famille, fils de Joseph Moeglen de Gundolsheim et d'Élisabeth Larger, couple qui convola à Soultz en 1725 : François Méglin vient au monde en juin 1756, publie en 1818 des notes historiques sur Soultz de l'abbé Grandidier. Mais c'est surtout en tant que médecin et chercheur qu'il se distingue, publiant un traité sur la névralgie faciale, travaillant sur le tétanos ou encore les eaux minérales de Soultzmatt. Le Dr Méglin compose des pilules anti-névralgiques qui portent son nom et décède à Colmar en mars 1825.

« American Dream »

S'accompagnant d'une industrialisation galopante qui favorise l'exode rural et la pauvreté, le XIXe siècle connaît le départ d'un grand nombre d'Alsaciens pour le Nouveau Monde. Parmi eux, on compte Sébastien Möglin, né en 1819 à Meyenheim, qui émigre au Texas en 1851. Le lignage ne s'est cependant pas éteint en Alsace, loin s'en faut : les Moeglen et Moeglin sont toujours très florissants dans la contrée qu'ils habitent depuis 650 ans au moins, ce qui confère à cette famille un statut tout à fait particulier : celui d'un ancrage au superlatif !

Denis Dubich