Notices de familles ( 1305 entrées )

Bruntz

Un nom de famille pas facile à porter

« Vous pouvez écrire, dans votre article, que ce n'est pas un nom facile à porter », nous lançait récemment Gilbert Bruntz, de Raedersheim. Et Gilbert Bruntz avait raison : depuis des générations, le patronyme que l'on se transmet dans sa famille ne manque jamais de faire sourire. Si l'étymologiste Brechenmacher le qualifie dans son dictionnaire des noms de famille allemands de « surnom peu raffiné » renvoyant à la fonction urinaire qu'il évoque à tout dialectophone sous les dehors d'un impératif, Bahlow estime, quant à lui, que Bruntz n'a rien à voir avec cela. Ce nom de famille serait de la même origine que le mot brun, avec une terminaison de type génitif (le son -s), et désignant ainsi jadis celui qui était brun de peau ou de cheveux, voire le fils de celui-ci. La forme Brungsen que l'on rencontre en 1539 à Soultz, lorsque Pierre Bruntz y est conseiller, pourrait être un autre reliquat de cet antique génitif.

Une famille du XVe siècle

Mais cette mention de 1539 n'est pas la plus ancienne à Soultz : dès 1495 vivait là un Heinrich Bruntz, cité à nouveau au début du XVIe siècle dans le registre des séances de la justice de la ville. Au siècle suivant, la famille sera nombreuse à figurer dans les registres de la paroisse Saint-Maurice. Il serait cependant hâtif de considérer Soultz comme le berceau des Bruntz : à vrai dire, dès le XVe siècle, il apparaît que ce n'est là que l'une des multiples communes investies par la famille, puisqu'un Jecklin Bruntz vivait en 1481 déjà à Bergholtz.

Le XVIe siècle voit une véritable éclosion de mentions : près de chez nous, les Bruntz sont cités en 1536 à Raedersheim avec Melchior et à Ungersheim avec la veuve de Peter Bruntz. En 1552, c'est à Ruelisheim que nous relevons le nom du censitaire Diebold, à Ungersheim celui de Bastian Bruntz. Un an plus tard, un Diebold Bruntz est mentionné à Raedersheim où, en 1593, Jacob écopera d'une amende pour coups et blessures !

Près de Mulhouse

On serait presque tenté de croire qu'il a existé plusieurs souches du nom, à le rencontrer avec une telle fréquence dans le sud de la Haute-Alsace. Dès 1405, la famille apparaît à Mulhouse même, où on la rencontrera tout au long des XVe et XVIe siècles.

En 1513, nous trouvons une lettre émanant de Leodegarius Bruntz, lequel se présente alors comme « Lutpriester zu Nydern Spechtbach » : ce Léger Bruntz est donc le « curé de Spechbach-le-Bas ». On constate que les Bruntz sont également présents dans le Sundgau, et ce dès le début du XVIe siècle. On sera donc moins étonné de les voir cités en 1551 déjà à Morschwiller-le-Bas avec Adolf et Agnes Bruntz, tandis qu'Ulrich Bruntz, de Heimsbrunn, est recruté en 1580-1581 comme fantassin, afin d'assurer la défense de l'Alsace, comme nous l'apprennent les travaux de recherche d'Alain Eckes.

Dans l'arrondissement de Guebwiller

Près de Guebwiller, la famille s'imposa surtout à Ungersheim et Raedersheim, mais on trouve également un vicaire Bruntz à Issenheim, à la fin du XVIe siècle, tandis qu'un Johannes du nom vivait en 1591 à Ensisheim.

Charles Bruntz (1878'1927), de Raedersheim.
Collection Gilbert Bruntz.  

À Raedersheim, comme ailleurs, la famille se poursuit à l'heure actuelle : la cinquième ou sixième génération de Bruntz exploite le restaurant familial situé sur la route de Feldkirch. Charles (notre photo) épousa Ludmilla Speyer qui lui donna un fils, Charles-Justin, et une ravissante fille prénommée Berthe que la grippe espagnole emporta dans la fleur de l'âge, probablement contaminée par les deux perroquets rapportés des pays lointains par deux frères jumeaux amis de la famille. Quant à Charles-Justin, il épousa Jeanne Meistermann, de Pfaffenheim, et partagea sa vie entre son restaurant et la vente de bois de chauffage. Son petit-fils Gilbert Bruntz, fils de Fernand, nous confiait que, si Justin n'atteignit pas l'âge de quarante ans, il avait néanmoins connu une existence agréable, facétieuse et pétillante. Vivre avec un nom prêtant à sourire peut aussi devenir un atout pour celui qui l'assume pleinement.

N.B. : une version plus longue et plus richement illustrée de cette notice figure dans le volume II de Nos vieilles familles de Denis Dubich. Elle se prolonge par un chapitre sur les vieilles familles de l'Entlebuch. Pour découvrir ce livre, suivez ce lien.

Denis Dubich