Notices de familles ( 1305 entrées )

Grotzinger

Des deux côtés du Rhin, une même famille

La famille dont nous abordons ici l'itinéraire porte un nom d'origine. Dans un alignement presque parfait, on trouve en Allemagne trois localités nommées Grötzingen : près de Karlsruhe, près de Stuttgart et non loin d'Ulm. Ces villes ont pu donner jadis des porteurs du nom : peut-être nos rares Groetzinger alsaciens, en sachant néanmoins que les deux formes, avec ou sans inflexion, se confondaient souvent, jadis. Mais c'est probablement plutôt Bad Krozingen, en face de Fessenheim, qui est à l'origine des Grotzinger dont les rameaux s'épanouissent des deux côtés du Rhin.

À Mulhouse dès 1336

Si les ancêtres des actuels porteurs du nom qui nous intéresse aujourd'hui sont arrivés en Alsace au milieu du XVIIe siècle, quelques Krotzinger y étaient déjà connus bien avant cette époque. Dès 1338, en effet, Nicolaus Bömelin céda sa maison de Mulhouse à Nicolaus von Krotzingen.

En 1380, un Heinrich Krotzinger était le personnage central, dans la même ville, d'un parchemin en latin. En 1385, on apprend qu'il était « Edelknecht » (écuyer), dans un écrit faisant état de ses dernières volontés. Le prévôt d'Ensisheim Wernlin Sympfen parlait en 1400 d'une vente au couvent des Augustins de Mulhouse de biens sis à Ruelisheim par Wernlin Krotzinger. En 1414, ce même Wernlin von Krozingen, « ein Edelknecht », vendit à Hanselin Müller une rente en vin. Un « Krotzingerhof » (une cour) est cité en 1422, et en 1449 encore, nous trouvons à Mulhouse Andreas von Krotzingen. Précisons que cette famille connue à pareille époque à Fribourg-en-Brisgau, s'est plus tard éteinte chez nous.

Le Mulhousien Henricus Krotzinger figure dès 1380 sur un parchemin, mais il n'est pas l'ancêtre des actuels porteurs alsaciens du nom (Doc. Archives Municipales de Mulhouse).
Photomontage Denis Dubich  

Gervasius Krozinger est mentionné dès 1618 dans le district de Benfeld : dans une revue d'armes, nous apprenons qu'il était alors pourvu d'un mousquet et habitait à Rhinau (Bas-Rhin) où il se préparait à une guerre qui allait durer trente ans.

Aux Trois-Épis, c'est un Ulrich Grötzinger nommé comme ermite, qui est mentionné entre 1625 et 1630. Eux et les autres Krozinger seraient-ils issus de ces von Krozingen ou Krotzinger de petite noblesse et revenus à la paysannerie ?

Une famille de Grißheim

Situé entre Bad Krozingen et Neuenburg, le petit village allemand de Grißheim, qui forme un triangle avec Blodelsheim et Rumersheim-le-Haut, abrite depuis plusieurs siècles des Krotzinger, selon la graphie actuelle du nom. La famille était déjà fortement représentée à cet endroit au tout début du XVIIe siècle, puisque l'on enregistre dans le registre paroissial des naissances environ trente Grotzinger entre 1614 et 1630. À noter que c'est également de Grißheim qu'est venu le père fondateur de la souche alsacienne des Schelcher ou Schoelcher - famille du proche village d'Eschbach - dont nous parlerons prochainement.

Mais revenons pour l'heure aux Grotzinger alsaciens dont les ancêtres sont dans leur grande majorité venus dudit Grißheim. Les premiers se sont installés essentiellement à Rumersheim et à Blodelsheim. Dans ce dernier village, les registres paroissiaux indiquent ainsi le baptême de Margret Grötzinger dès 1662, avant que son père, le même Hans Grotzinger, ne porte un autre enfant sur les fonts baptismaux du village deux ans plus tard. On voit que l'inflexion (Grötzinger) ou son absence (Grotzinger) était aléatoire. En 1691, ce sont les époux Höltzlin-Grozinger « ambo ex Grissheim », donc tous deux de Grißheim, qui baptisent un fils, et en 1703, nous trouvons le baptême d'Ursus Jäger dont le père et la mère nommée Barbara Grotzingerin sont originaires, là encore, « ex Grissen ». Dès environ 1670, la famille était représentée aussi à Rumersheim d'où certains membres gagnèrent Blodelsheim, Schlierbach ou encore Bantzenheim : là, Heinrich Grotzinger convola avec Anna Maria Frey en 1723, avant de se remarier en 1735, devenu veuf, avec Barbara Deckert, de et à Blodelsheim. Venue elle aussi de « Grissen Brigoya » (Grißheim, Brisgau), Maria Anna Grotzinger se maria en 1756 à Fessenheim, deux ans après qu'une homonyme de Rumersheim se fut mariée à Rustenhart.

Une autre famille Grotzinger vivait à Lautenbach-Zell, au-dessus de Guebwiller, dès la fin du XVIIe siècle : Sixt Grotzinger hérita en 1718 avec ses six enfants de la maison familiale, après le décès de son épouse Catharina. Ce Sixtus, bourgeois et sacristain de Lautenbach, rendit l'âme en 1739 et Leodegarius (Léger) Grotzinger, bourgeois de Murbach, décéda en 1737. La famille donna à pareille époque un maître d'école à Lautenbach, en la personne de Franz Joseph Krotzinger, originaire de Murbach où la famille possédait en 1744 une maison avec cour et porcherie.

Depuis, les Grotzinger ont investi de nombreuses communes alsaciennes, mais pour eux devrait toujours s'imposer un petit pèlerinage à Grißheim ou à Bad Krozingen : c'est en effet parce que leur ancêtre, un habitant de Bad Krozingen, a quitté sa ville au Moyen Âge qu'il a pu être renommé - peut-être à Grißheim ? - Krozinger, à moins qu'il n'ait appartenu à la famille des Edelknechte ou écuyers von Krozingen et n'ait donc dès l'origine porté le nom du fief familial...

N.B. : une version plus longue et plus richement illustrée de cette notice figure dans le volume II de Nos vieilles familles de Denis Dubich. Elle se prolonge par un chapitre sur des patronymes rencontrés à Grißheim (Allemagne). Pour découvrir ce livre, suivez ce lien.

Denis Dubich